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  • Photo du rédacteurPippo

L'écusson spécial des 120 ans de l'ASC: une occasion manquée


Le 6 octobre prochain, l’Amiens SC aura 120 ans ! Pour célébrer cet anniversaire peu commun dans le football français, le club a décidé de se doter d’un nouvel écusson éphémère pour la saison 2021/2022. Rendu public sur ses réseaux et son site officiel le 16 juin dernier, il se veut être un hommage à l’histoire du club, en fusionnant les éléments caractéristiques des trois précédents écussons. Si l’initiative est bonne et rafraichissante, son exécution et le résultat interrogent. En omettant deux tiers de l’histoire du club, et en instaurant le rouge-grenat comme couleur historique du club alors qu’il n’en est rien, le club semble avoir loupé une belle occasion de renouer avec un passé glorieux trop méconnu.


Une explication officielle bancale


Chacun est libre de juger de manière absolue la qualité graphique de ce nouveau blason et son esthétique en général. Mais replacé dans le contexte de la création d’un logo-hommage, le résultat est raté et ne remplit pas le cahier des charges. Le rôle d’un blason de club n’est pas seulement d’être joli mais de représenter une institution, sublimer une identité dans laquelle les supporters veulent se retrouver, et dans le cas d’une célébration anniversaire, rappeler son histoire. Le compte n’y est clairement pas.


L’explication officielle qui accompagne ce lancement et justifie la démarche graphique derrière ne convainc en effet pas. Au contraire, elle renforce l’impression d’une création bancale, trahissant une méconnaissance par ses concepteurs de l’histoire du club. Ici pour la justification officielle (fautes d’orthographe comprises…) : http://www.amiensfootball.com/blog/article/lamiens-sc-fete-ses-120-ans-cette-saison-11555


Ainsi pour célébrer 120 ans d’histoire en une représentation graphique iconique, seules les années post-1980 ont été considérées, année à partir de laquelle l’ASC a commencé à utiliser un écusson clairement défini, à l’instar de nombreux clubs. Le « logo » des années 80 est en effet présenté comme celui « de nos débuts » et son utilisation est « Un retour aux sources »C’est donc 80 ans d’histoire, sur 120, qui passent à la trappe. N’est ce pas là justement les années intéressantes à mettre en valeur lors d’un tel hommage ?


Intellectuellement, il réside une forme de paresse voire de malhonnêteté dans cette proposition graphique. Enrobée d’une justification creuse et de formules passe-partou, jouant sur la fibre émotionnelle et traditionnelle : on y loue l’ « attachement à son histoire, son territoire et ses valeurs », on affirme vouloir « faire honneur à notre passé », etc. Et pourtant le rendu visuel trahit lui tout l’inverse : une méconnaissance flagrante, voire une méprise, de l’histoire de l’ASC.


Une exécution graphique discutable


D’un point de vue graphique, l'association des 3 derniers blasons n'est même pas recherchée. Du logo des années 80, seule la forme du blason pourtant lambda est gardée, alors que c'est bien sa typographie et ses couleurs qui y sont remarquables. De l'actuel, aujourd’hui largement accepté et apprécié par les supporters de l’ASC, les deux licornes se faisant face et les lierres (appelée branchages par le club ?) sont copiés-collés tels quels, sans les sublimer ni les réinterpréter, pourtant le principe de la proposition. Le logo des années 90, celui du retour au professionnalisme sous Pouillot-Gossart, se voit lui mis en avant de manière disproportionnée par rapport aux résultats sportifs de l’époque : la reprise des rayures et le rouge du contour font presque à eux seuls l’identité du logo des 120 ans. Rouge utilisé en monochrome sur l’intégralité du nouveau logo, le fond étant transparent, alors que pourtant nous jouions déjà en blanc à cette époque, suite à la volonté de Pascal Pouillot d’imiter les couleurs du Real Madrid… Son fond transparent limite également son utilisation sur les différents supports physiques et digitaux.


La non-consultation des supporters


Le processus de création interroge également. Qui est à l’origine de cette initiative, qui sont les décideurs ? On ne rigole pas avec un blason, lien fort et émotionnel des supporters envers leur passion. Des clubs comme Nantes, Metz, Bordeaux et leur logo minimaliste 2.0 disruptif pour conquérir de nouveaux marchés l’ont récemment appris à leur dépens. Dans un monde de plus en plus visuel, l’élaboration d’un nouveau logo est un projet critique qui nécessite de la réflexion, une vision, et de l’audace.


On retrouve bien un article du Courrier Picard, daté du 6 mai dernier, qui appelait ses lecteurs à voter parmi 4 propositions, dont celle finalement choisie : https://www.courrier-picard.fr/id190045/article/2021-05-06/votez-pour-le-logo-des-120-ans-de-lamiens-sc


Mais aucun relais officiel de la part du club. Et pourquoi déléguer à un journal local une communication aussi importante ? Cela n’a pas de sens. Pourquoi n’avoir pas interrogé ses supporters directement, via ses réseaux ou par email ? Ils n’ont pourtant pas hésité à relancer par ce moyen l’intégralité de leur « fichier clients » pour communiquer sur la nouvelle campagne d’abonnement. Impliquer les supporters dans la création de ce logo aurait été le moyen parfait de raviver un lien distendu par la crise et les résultats sportifs, et de créer une émulation avec un concours collégial.


Dans le cadre d’un logo historique, pourquoi aussi ne pas faire appel à de véritables historiens ou des passionnés du club, tel Didier Braun (https://amiensfootbraun.wordpress.com/) ? La seule présence de Lionel Herbet ne semble en effet ne pas suffire pour appréhender dans sa globalité l’histoire du club.


Cela aurait été également l’occasion d’engager une réflexion plus globale sur l’identité du club et ses éléments graphiques essentiels. On sait que l’écusson actuel, même si largement apprécié par les supporters, nécessite sans doute un rafraichissement, et que le club depuis plusieurs saisons réfléchit à y apporter de la couleur.


Une occasion manquée de mettre en avant des heures glorieuses méconnues


A quoi donc aurait pu, dû, ressembler un logo véritablement historique de l’Amiens SC, prenant en compte également la période 1901-1980 ? Un tel anniversaire est justement l’occasion de réexplorer ce passé, qui avec le temps ne peut que disparaître s’il n’est pas conté.


Il aurait fallu se plonger un peu plus dans les archives de la Licorne, nul doute qu’elles existent. Pourtant parmi les clubs les plus vieux de France, l’historicité de l’ASC est une donnée inconnue du grand public, et même parfois du public amiénois. De nombreux saltimbanques des réseaux sociaux n’hésitent pas à railler le palmarès vierge de notre club et nous qualifier de « sans histoire ». Pourtant la vérité est tout autre. Parmi les clubs à avoir déjà évolué en L1, seuls Le Havre (1872), Bordeaux (1891), Châteauroux (1893), le Red Star (1897), Boulogne Sur Mer (1898), et Marseille (1899) sont plus expérimentés que l’ASC. Place forte du football français lors de l’Entre-deux-guerres, l’ASC vécu un véritable âge d’or lors des années 20, avant de rater le virage de la professionnalisation des années 1940 qui rabattu les forces en présence. Evoluant sur son terrain historique du stade Moulonguet, dans le quartier Henriville, de biens beaux exploits ont été écrit rue Louis Thuillier. Une visite sur l’excellent blog de Didier Braun cité plus haut est un aller express vers un passé glorieux. Celui de l’emblématique et loyal Urbain Wallet, meunier de profession et véritable force de la nature (plus de 100kg et courant apparemment le 100m en moins de 11 secondes, incroyable pour l’époque) qui fit l’intégralité de sa carrière à l’ASC et accéda à l’Equipe de France. Celui d’un club pourvoyeur d’internationaux : 5 pour les JO de 1928, la compétition internationale majeure de l’époque avant la création de la Coupe du Monde en 1930 ! Celui du Champion du Nord en 1924 et 1927, du vice-champion du premier championnat de France en 1927 (derrière le CA Paris), du demi-finaliste de la Coupe de France en 1930 !

Des couleurs historiques galvaudées


Et c’est en se plongeant dans ce passé qu’on réapprend que les couleurs historiques de l’ASC sont l’azur et le noir. Le rouge fut bien porté en de multiples occasions et sous différentes déclinaisons tout au long de l’histoire de l’ASC, mais jamais instaurés comme couleurs phares, au contraire des premiers « Nerrazurri » picards (que cela plaise à Chambly ou non). Si longtemps nous avons joué sans réel écusson, l’utilisation d’une étoile noire sur la poitrine lors des années glorieuses est connue.



Le rouge : une amorce vers un changement d’identité ?


Et pourtant, c’est bien le rouge et les rayures qui sont mis en avant dans ce logo des 120 ans et dans la communication du club : utilisation dans les posts sur les réseaux, prédominance dans les infographies, tenues d’entrainements noir&rouge du staff, etc.

Le club n’en est pas à son premier coup d’essai, et a déjà tenté par le passé d’ajouter de la couleur dans l’identité du club. Si certains voient le blanc comme classieux, d’autres peuvent en effet le trouver fade. Déjà, le club a en 1999, 2011 (Lens) et 2017 (Lyon) étrenné un « maillot historique », mettant en valeur l’association du bleu et du rouge, utilisation donc déjà anachronique !



Alors que depuis plus de 20 ans l’ASC joue en blanc à domicile et en noir à l’extérieur, l’apparition de couleurs est un sujet qui revient souvent. Il y en a eu par petites touches lors de plusieurs occasions : maillot domicile de la saison 2006/2007 avec des bandes bleues ciel, maillot 2012/2013 avec des bandes dorées, maillot « third » 2018/2019 (une franche réussite pour le coup !), maillot « third » 2019/2020, maillot collector des 800 ans de la Cathédrale. Et bien sûr comment oublier le maillot bleu de la finale de Coupe de France 2001 ?!

On le voit, le club tourne autour du pot du changement d’identité visuelle depuis longtemps. Alors que les Braqueurs de Pélissier secouaient la Ligue 2, le club semblait même prêt à enclencher la seconde en mars 2017. A nouveau via le Courrier Picard (décidément…) quatre choix de nouveaux logos (non éphémères !) furent soumis au vote. Créant même pour l’occasion une adresse email, toujours opérationnelle, logo@amiensfootball.com pour encourager les propositions spontanées (et certainement économiser l’embauche de véritables professionnels) … Devant le peu d’engouement provoqué par ces quatre propositions au rendu tout bonnement scandaleux et amateur, le club reconsidéra surement son projet. Mais notons tout de même les couleurs étudiées à l’époque : du blanc et… de l’azur et du noir !


https://www.courrier-picard.fr/art/20443/article/2017-03-29/lamiens-sc-change-de-logo-donnez-votre-avis

Quel avenir pour l’identité visuelle de l’ASC ?


On vient de le voir, la chimère d’un changement de logo de l’ASC refait aujourd’hui surface, les 120 ans servant de prétexte. Si le nouveau logo est présenté comme éphémère, on peut légitimement se demander s’il ne s’agit pas là d’un test à grandeur nature pour valider l’idée auprès des supporters. Alors disons le franchement, pour un tel rendu, ne touchons à rien. Le supporter amiénois n’est pas réfractaire au changement, il est juste exigeant car connaisseur et souhaite être considéré.


Si un vrai travail de recherche historique et de graphisme avait été entrepris pour rendre hommage aux 120 ans de notre vénérable club, n’aurait-il pas dû mettre en avant ses couleurs historiques, l’azur et le noir, et mettre en avant un travail autour de ses éléments graphiques iconiques, tels que ses licornes et son étoile, plutôt que des rayures dont tout le monde avait oublié l’existence ?

Concernant le maillot à venir, les tenues d’entrainement du staff ne laisse rien présager de bon. Une tunique rouge-noir, à la Guingamp, serait un non-sens total. D'un point de vue marketing, avec le business des maillots vintage qui se vendent aujourd'hui à prix d'or, n’y avait-il pas une carte à jouer en proposant un jersey « à l’ancienne », avec col en V, sans sponsor ? Et en profiter pour communiquer massivement sur le caractère historique de notre club, encore aujourd’hui malgré trois belles saisons en L1 largement dénigré par la footixerie française ? Quel dommage.


Sur le moyen terme, si le club cherche à changer de couleurs, qu’il fasse attention. La large majorité du public amiénois s’identifie aujourd’hui aux couleurs des années 2000, le blanc et le noir, marquées par de bien belles pages : 2001, l’ère Troch, 2006/2007, la demi-finale de Coupe de France 2008, l’avènement des Braqueurs… Si le projet est d’amener de la couleur, alors pourquoi ne pas s’inspirer de ce que les supporters font déjà en tribunes, en ajoutant au blanc et noir du rouge et du bleu ?

Espérons donc que ce logo éphémère le soit bien. Et qu’en cas de réel changement, les supporters soient d’abord consultés et impliqués. Un logo, c’est une icône, un lien émotionnel fort avec lequel on ne joue pas. Concernant l’histoire de l’ASC, le temps s’écoule et les passeurs de mémoire se font de plus en plus rares. Il serait dommage que de si belles pages tombent dans l’oubli au profit d’une relecture artificielle. On n’a pas tous les jours 120 ans…

Alors, en blanc et noir, en azur et noir, ou en rouge, allez Amiens ! Il y a 120 ans, aujourd’hui, toujours !


Sources:


http://www.amiensfootball.com

https://amiensfootbraun.wordpress.com/

https://www.courrier-picard.fr/


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