26 mai 2001, le jour le plus long

26 mai 2001, j’ai 23 ans, ça fait 4 ans que je fréquente Moulonguet et la Licorne en D2, Ligue 2, National et la magie de la coupe a déjà fait son effet quelques années plus tôt quand on avait sorti Monaco et le Havre. L’inauguration du stade avait aussi valu un focus sur Amiens et on pouvait enfin regarder Amiens-Thouars dans de bonnes conditions (sauf quand à -8° quand même !).
Les papys abonnés à côté de moi se plaignaient pas mal de l’équipe et disaient souvent qu’ils ne verraient jamais Amiens en D1 alors qu’ils étaient fidèles depuis 40 ans, pourtant c’est pas passé loin quelques années plus tard. J’espère qu’ils étaient encore là en 2017…
Bref, retour à 2000/2001, on a survolé le National en écrasant Alès, Colombes, La Roche sur Yon. La moitié des équipes de cette année-là ont disparu dans les profondeurs du foot amateur, ça fait peur ! Bon en fait on l’avait pas tant survolé que ça ce championnat, on s’est même fait plutôt peur en milieu de saison mais voilà il y avait aussi les coupes qui pompaient pas mal d’énergie. On l’oublie mais on a fait un quart de Coupe de la Ligue en 2001, perdu contre Lyon le futur vainqueur.
Et donc l’épopée de CdF qui avait commencé à Bresles dans la Picardie profonde allait se terminer au Stade de France. Difficile de se rappeler précisément tous les matchs, on était contents d’avoir tapé Beauvais aussi mais sortir une D1 c’était toujours un exploit et c’était le cas contre Rennes puis Troyes. Le club avait prévu des t-shirts quand on achetait un billet, je les ai conservés précieusement, on sentait déjà que ce club était au top niveau marketing...
La demie avait déjà procuré pas mal d’émotions avec Julien Lachuer on fire aux pénos. Je vivais ma plus belle saison de foot avec une montée et une finale, what else ? Direction le Stade de France avec vente de billets dans l’ancienne boutique des Halles avec la queue toute la journée. Quelques totos et footix qui voulaient une place pour découvrir LE stade de le Coupe du Monde qui n’avait que 3 ans d’existence, quelques supportrices aussi (ou alors elles venaient chercher un billet à leur chéri et un maillot floqué Sampil) et surtout des tas de jeunes et moins jeunes avec des étoiles dans les yeux : « leur » club allait vivre une finale face à Strasbourg qui était relégué en ligue 2 et qu’on pouvait légitimement battre au vu de notre parcours, la magie de la Coupe. Pour 140 francs (21,34€), mon billet ASC le plus cher de l’Histoire à l’époque, rendez-vous porte N !


Il y avait des bus affrétés par le club pour remplir le virage Nord du SdF, un bon parcage de 15-20 000 amiénois en noir et blanc. Avec des habitués du stade et du fameux forum AscForever dont Tiouze, on avait choisi de se déplacer en bagnole et d’arriver assez tôt pour profiter de l’événement. Pour ce que je me souviens c’était une belle journée ensoleillée, rien à voir avec mai 2021 ! Quel plaisir de croiser des dizaines de noir et blanc sur le parvis du Stade, ça se prenait en photo dans tous les coins et encore il n’y avait pas de smartphones à l’époque il fallait demander à un passant de nous prendre en photo. On avait liquidé quelques bières, mais très raisonnables pour être au top pendant le match et après… Avec cette grosse confiance, pas mal d’amiénois avaient convaincu leurs copines ou conjointes de faire le déplacement et il y avait un gros contingent féminin pour une fois autour de nous ! On s’était tartiné de noir et blanc, les cheveux à la bombe, écharpes, drapeaux, la coupe en carton, la totale. Cette ferveur, qu’elle soit en sport, pour un concert, quand il y a 80.000 personnes c’est assez unique, il faut vraiment la vivre une fois même si ton collègue de boulot te dira que t’es un blaireau.

On est entrés dans le stade à la fin de la Gambardella pour avaler nos sandwichs sortis du papier alu, à l’ancienne. Mais bordel que c’était long d’attendre ! On vivait le truc de l’intérieur, avec cette impression que ça n’était pas fini et que tout était aligné pour que coach Denis Troch et captain Laurent Strzelczak soulèvent la coupe. Les joueurs sont arrivés pour l’échauffement de notre côté, montée d’adrénaline mais je me souviens encore du choc à l’entrée des strasbourgeois, comme un tsunami, un tifo mais surtout une clameur du virage sud indescriptible qui nous faisait passer pour des supporters de water-polo ! On n’arrivera jamais à être au-dessus de ce kop pendant le match, mais il faut dire qu’à Amiens le « kop » de l’époque devait rassembler 200 personnes à tout casser chez les KLB99 ou Amiens 1901. On se présentait avec l’équipe-type de la saison mais on essayait de nous faire peur depuis des semaines avec « le gros Chilavert », le gardien paraguayen qui nous avait fait mal en coupe du monde et qui venait finir sa carrière en France. En plus il tirait les pénos apparemment … Le traître Teddy Bertin avait eu droit à ses sifflets, je n’oserai dire bronca, et il nous montrera souvent ses doigts à chaque retour à la Licorne.
Premier drame, on ne voit pas Jeff Rivière revenir au coup d’envoi, on n’a rien contre Manu Coquelet mais il marquait moins que notre serial buteur et il allait être un peu léger face à Beye-Ismaël-Bertin mais bon pas grave on aurait un but de Sampil ou Darbelet. Chirac qui serre les mains, Denis en gros plan sur le banc avec la grosse moustache qui était promise au rasoir en cas de victoire et boum c’est parti ! J’ai du mal à me rappeler des détails, pas de YouTube à l’époque pour revoir le match, c’était assez moche globalement, assez stressant aussi. Il s’est passé tellement peu de choses qu’on ne trouve pas vraiment de résumé du match ni des prolongations sur internet. Je me souviens juste de Rivenet qui loupe la balle pour quelques centimètres, un peu comme souvent dans la saison malheureusement pour lui et pour nous.
Arrive la séance de tirs aux buts, devant le virage amiénois avec Bertin qui nous chambre. Tout est bien tiré, on est en apnée. Darbelet est en feu, il a souvent apporté ça sur le terrain. Mais ça ne suffira pas, on voit Lachuer parfois sur la trajectoire mais ça rentre toujours. Et Jean-Paul, non Jean-Paul pas aujourd’hui, pas en finale, ouvre ton pied… Badaboum, le gros Chilavert est en transe et finit le travail avec un péno vraiment pas inoubliable mais à contrepied, c’est fini.
Ca chialait pas mal en tribune, le stress retombait, normal. Le président Pouillot, Denis, les joueurs erraient sur le terrain. Honnêtement je ne me souviens même pas de la remise de la coupe, rien. La sortie était compliquée avec zéro ambiance, j’imagine dans les bus, et nous on a dû mettre 2 heures à repasser sous l’A1 en sortant du parking pour enfin repartir vers la capitale picarde.

On la débriefera longtemps cette finale, mais il y a comme une blessure qui impose de ne pas trop remuer le couteau, le picard est taiseux. Une sacrée épopée quand même, les prémices de quelques années sympas suivies d’un trou noir qui ne prendra fin qu’au milieu des années 2010. L’avantage aujourd’hui c’est qu’on a une autre épopée à mettre dans la balance, et des questions de comptoir du genre « t’aurais préféré gagner la coupe et ne pas aller en ligue 1 ? »
Le lendemain on était compressés devant l’Hôtel de Ville pour accueillir les joueurs, un bordel pas possible, des chants dignes de la coupe du Monde –lalala la la lalalalalala…- et un Gilles de Robien euphorique qui annonce la construction des tribunes supplémentaires (la bonne blague). Une autre épopée suivra en 2008 et quasiment plus rien derrière en coupes. La saison 2017/18 ressemblera à une coupe permanente (tu saisis le jeu de mots ?), de grosses émotions à chaque victoire. On pourra raconter ça à nos petits-enfants, parce que des ASC-Pau sous covid c’est déjà aux oubliettes !