Amiens vu par ... Denis Troch
Avant le match au Parc des Princes, notre coach moustachu préféré qui a entraîné les 2 équipes revient sur le début du siècle de l’ASC et nous donne son avis sur le club aujourd’hui. Il se livre aussi sur son parcours et ce qui l’a amené au coaching mental. Pas de doute, Denis a ouvert la voie aux Braqueurs de 2018 !

Braquage à l’Amiénoise : Bonjour Denis et merci d’avoir accepté cette interview, c’est un grand honneur pour les braqueurs, notamment ceux qui ont connu 2000/2004, une sacrée époque avant la grande aventure Ligue 1 !
Ah mais vous avez réussi quelque chose d’extraordinaire, et vous avez eu le mérite de rester !
BALA : Vous revenez assez régulièrement à Amiens, notre ville vous évoque quoi ?
J’ai passé du bon temps à Amiens, je garde de très belles choses positives : la cathédrale, les Hortillons, le quartier st Leu… Et le Stade de la Licorne évidemment où j’ai eu beaucoup de chance et de réussite à l’époque. J’ai aussi en tête les inondations du début des années 2000 à Amiens et en Picardie mais voilà j’ai de très bons souvenirs globalement, des gens aussi, les picards. J’ai de nombreux amis encore sur place que je revois régulièrement.
BALA : Bon un mot quand même sur le début de saison de nos meilleurs ennemis : le RC Lens chez qui vous êtes intervenu cet été, vous êtes confiant pour leur retour en L1 ?
Bon le RC Lens ça ne doit pas être votre ennemi, vous vous trompez de division (rires). Ils ont fait quelques années difficiles notamment la dernière, délicate pour ne pas dire plus. Ils m’ont sollicité pour accompagner le club donc oui je suis satisfait, mais c’est un peu normal : l’accompagnent mental amène quelque chose, réveille un potentiel, des valeurs qu’il était nécessaire de cristalliser. C’est bien beau d’avoir des valeurs mais l’essentiel est de s’en servir à bon escient.
BALA : Évidemment vous suivez encore le foot, vous avez arrêté d’entraîner il y a presque 10 ans, l’adrénaline du terrain ne vous manque pas du tout ?
(Sans hésiter) Non ! Pas du tout ! J’ai eu la chance de connaître des moments exceptionnels dans le monde du rugby avec le titre de Clermont, en plus cela faisait plus de 10 ans qu’ils attendaient ça. Pareil dans le vélo avec la FDJ qui attendait ce titre de champion de France et ils l’ont été 6 fois sur 7 depuis que j’y suis ! Je retrouve cette adrénaline aussi dans le foot, j’ai travaillé avec Caen, Marseille, St Etienne… mais ce n’est pas ce qui anime le plus mes journées puisque je travaille aussi beaucoup en entreprise.
BALA : Vous êtes maintenant préparateur mental*, avec du recul est-ce que le mental a été déterminant à l’ASC en 2001 (finale, enfin là on n’a surtout pas eu de bol !), en 2004 (fin de saison loupée) et même 2009 avec la redescente et est-ce que ce paramètre défaillant vous a finalement emmené sur cette voie du coaching ?
Alors je ne vais pas parler des équipes mais simplement de moi : je me suis senti parfois démuni face à des dynamiques négatives ou ne comprenant parfois pas véritablement ce qui m’arrivait de magnifique. J’ai décidé, avant de prendre Amiens déjà, de m’attarder sur ce qui m’avait manqué dans ma vie : dans ma jeunesse, en famille, dans mon job de joueur, entraineur… et je me suis rendu compte qu’il me manquait plein de choses. J’ai alors travaillé sur ces manques, par exemple on ne m’a pas appris à prendre des décisions alors qu’on en prend 35.000 par jour, conscientes ou inconscientes. On ne m’a pas non plus appris à avoir confiance en moi, alors que la confiance c’est 99% de nos actions mais je ne me souviens pas avoir travaillé sur la confiance à l’école ou en entreprise. On ne m’a pas non plus appris à être meilleur que la veille, à me sublimer.
Pendant 30 ans j’ai noté les comportements des gens autour de moi que je ne comprenais pas, j’ai des piles et des piles de dossiers et j’ai repris tout cela il y a 12 ans en surlignant ce qui m’interpelait encore après mes études à l’université dans les années 2000 (2 ans de préparation mentale, 2 ans de coaching, 2 ans de management). Pour près de 50% des notes prises, il n’y avait pas eu de solution alors que pourtant avec du bon sens il aurait été possible de résoudre ces problèmes. J’ai mis 2 années à « théoriser le bon sens », et depuis 10 ans je propose cette approche.
BALA : C’est très intéressant de connaître ce cheminement et cette façon originale de procéder !
En fait j’ai fait un blocage à l’école à 14 ans, j’ai arrêté d’apprendre et de lire, pensant qu’on pouvait me conditionner. Et donc j’ai décidé d’écrire. Aujourd’hui j’interviens dans les universités ou écoles et j’explique qu’il est possible de réussir malgré mon parcours initial, ça énerve un peu (rires). Bon j’exagère, je provoque, car je regrette ce manque de pratique et je ressens une certaine fatigue quand je lis, j’ai ma propre façon de lire en fait.
BALA : En tous cas le mental l’an dernier, les Braqueurs de l’ASC l’avaient ! Cela a sans doute été la clé du maintien. Vous connaissez le coach Pélissier, est-ce que c’est un axe sur lequel il travaille beaucoup ? Il vous a demandé des conseils ?
Alors il ne m’a pas demandé de conseils mais je l’ai eu lorsqu’il était en formation à Clairefontaine pour passer son diplôme, je le connais de Luzenac aussi (NDLR : J.Outrebon, son gendre, était joueur à Luzenac). Le mental ou la confiance ça ne va pas se chercher chez les autres, on l’a en nous, ça ne s’achète pas. Il faut se recentrer sur soi, son équipe, son club pour donner la quintessence de son potentiel, sans avoir de regrets par la suite. Amiens a réussi cela pour la montée en L1, c’est un aboutissement mais aussi quelque chose de très difficile que moi je n’ai pas réussi à faire avec le club. C’en était pas loin …
BALA : Vous étiez gardien de but, vous devez être attentif au parcours de Régis Gurtner (qui a connu plusieurs relégations, l’épisode Luzenac) qui est un pilier de l’équipe aujourd’hui ?
C’est une très bonne question (NDLR : Merci !). En général l’expérience nous sert en l’occurrence ça pourrait ne pas être le cas pour Régis mais parfois il y a des prises de conscience qui nous font gagner 10 ou 15 ans. Ceux qui sont passés par Luzenac ont compris que tout ne dépendait pas d’eux et qu’il était nécessaire de s’investir totalement pour ne pas avoir de regrets. Ce n’est pas le fruit du hasard si le coach et Régis ont réussi à rebondir. Je travaille énormément sur les prises de conscience plutôt que sur l’apprentissage classique : quand la personne vous dit « ohh mais t’as raison, je n’y avais pas pensé », c’est gagné.
BALA : Votre avis après ce mercato international de l’ASC pour la saison qui est déjà bien lancée ?
Je ne connais plus suffisamment le foot pour me permettre de commenter. Mais simplement le club fait avec ses moyens, un tout petit budget : recruter malin, prendre des risques mais pas trop non plus pour préserver l’ADN et les acquis du club. C’est quelque chose d’hors normes de rester en L1 et aujourd’hui de se stabiliser. Une prise de risques minimum est nécessaire, c’est ce qu’ils font avec des recrutements un peu surprenants. Les personnes s’épanouissent grâce aux dirigeants, au public... Tout le club a gagné en expérience. Et même si par malheur Amiens devait redescendre un jour, ils auraient cette culture L1 qui permettrait de remonter rapidement.
BALA : L’an dernier on a eu une saison plombée par les problèmes du stade… D’ailleurs à votre arrivée aussi il y avait eu des problèmes de peinture ou d’étanchéité…
Oui mais ce n’est forcément un problème ce qui est arrivé, ce qui se passe hors du terrain n’est pas toujours mauvais pour le club : ça désoriente la pression médiatique ou du public justement, ça a détourné les regards.
BALA : Tout ça est derrière nous, on vous attend pour le 1er coup d’envoi de l’histoire de la Licorne en Ligue Europa ou pour notre 2e finale de CdF !! Merci encore
C’était génial d’être présent au stade avec Oscar (Ewolo) et Antoine (Buron), je reviendrai avec plaisir ! (NDLR : Denis avait donné le coup d’envoi du 400e match à la Licorne en avril 2018)